La démocratie et la liberté, deux choses différentes
Rédigé par Soham Patil 2 septembre 2024
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En se nourrissant de la jalousie et de la cupidité d’une partie du corps électoral, les régimes démocratiques érodent les fondements moraux de la société.
Dans notre monde moderne, la plupart des Etats sont des démocraties ou, du moins, se définissent eux-mêmes comme « démocratiques ». L’adoption de la démocratie est saluée comme l’une des plus grandes réussites de l’humanité. Un jour, l’humanité est enfin parvenue à se libérer des chaînes de la monarchie et, depuis, elle n’est jamais revenue en arrière. De nos jours, l’ensemble des citoyens des pays démocratiques sont supposés être libres et à l’abri du despotisme.
Cependant, cette belle histoire qu’on nous raconte est loin d’être la vérité.
Les systèmes démocratiques existent depuis longtemps. La Grèce antique, et plus particulièrement Athènes, vient immédiatement à l’esprit comme l’exemple le plus emblématique de la démocratie dans l’Antiquité. Bien que les démocraties modernes diffèrent considérablement de celle d’Athènes, elles restent néanmoins vulnérables aux mêmes écueils qui touchent l’ensemble des formes de démocratie.
La démocratie piétine la liberté d’association. Ses partisans soutiennent souvent qu’en démocratie, chacun a le droit de vote, ce qui équivaudrait à une représentation équitable et juste. Cependant, cela revient à lier, contre leur gré, l’ensemble des citoyens au contrat social, puisqu’ils sont contraints de se plier aux résultats des élections, même s’ils n’ont pas consenti au gouvernement en place.
Accorder le droit de vote à tous les citoyens ne légitime pas pour autant le fait de les forcer à respecter les règles imposées par l’Etat. Cela n’a pas empêché les Etats démocratiques de tenter de donner l’illusion du consentement du peuple au contrat social, en prétendant que la simple possession du droit de vote suffit à signifier implicitement ce consentement.
Si quatre cambrioleurs s’introduisent dans une habitation et décident par un vote de transférer la propriété de cette maison à leur profit, le résultat du vote pourrait difficilement être qualifié de « légitime ». Les démocraties ne sont pas infaillibles et ne peuvent justifier la moralité de leurs décisions uniquement sur la base de la volonté de la majorité.
De plus, les Etats démocratiques ont tendance à recourir à la redistribution des richesses lorsque cela devient populaire politiquement. Cette tendance peut se manifester de plusieurs manières. Souvent, le processus démocratique est utilisé par les partis politiques pour justifier l’expropriation des biens des plus fortunés et des créateurs de richesses, au profit des citoyens les plus susceptibles de voter pour eux. Mais chaque citoyen court le risque d’en devenir la victime s’il se retrouve du mauvais côté des décisions politiques. Cela explique la politisation extrême de nos vies : se contenter d’être une personne paisible et restant à l’écart des querelles ne suffit plus.
Une idée reçue qu’on entend fréquemment est que les systèmes démocratiques représentent la liberté, car ils permettent d’abolir la hiérarchie rigide entre rois et sujets que l’on trouvait dans une monarchie. Autrefois, les monarques conservaient le pouvoir à vie, et tous les autres citoyens restaient à jamais leurs sujets. Une distinction claire existait alors entre ceux qui gouvernent et ceux qui obéissent.
Les partisans de la démocratie affirment souvent que tous les citoyens, en raison de leur capacité à participer au vote, sont d’une certaine manière des gouvernants. Dans cette logique, les Etats démocratiques ne violent en rien les droits individuels, car tous les citoyens sont supposés faire partie de l’Etat.
Ainsi, la spoliation par l’Etat des richesses appartenant à un citoyen serait en fait consentie, puisque ce citoyen est lui-même membre du régime démocratique. Cependant, cet argument est fallacieux, car les droits des citoyens existent indépendamment de l’Etat. Ces droits, appelés droits naturels, ne peuvent donc pas être accordés par l’Etat, il ne peut que les piétiner. L’existence d’un processus électoral n’innocente en rien les Etats démocratiques de leur culpabilité morale.
Il est clair que la démocratie est encline à la tyrannie. Cela ne se produit pas seulement lorsque la démocratie est « mal appliquée », mais dans presque tous les cas, étant donné que les régimes démocratiques finissent toujours par se décomposer en factions en concurrences les unes avec les autres pour servir leurs propres intérêts.
Malgré ces défauts, la démocratie est toujours présentée comme le système politique caractéristique des pays « libres ». La raison de cette perception favorable dans l’opinion publique réside dans le fait que la démocratie s’intègre bien au dogme progressiste de l’égalité et de l’inclusivité. Puisque tous les votes sont égaux, on suppose qu’une société harmonieuse et inclusive devrait émerger du processus démocratique, semblable à une nation arc-en-ciel.
Malheureusement, la liberté est incompatible avec l’égalité dans la plupart des cas. Il n’est donc pas surprenant que les Etats démocratiques piétinent régulièrement les droits naturels dans leur quête d’une société plus égalitaire. En se nourrissant de la jalousie et de la cupidité d’une partie du corps électoral, les régimes démocratiques érodent les fondements moraux de la société. Bien que les intentions des démocraties soient nobles, leurs résultats ne le sont pas. Une société véritablement libre serait fondée sur la liberté d’association et le droit de propriété plutôt que sur la démocratie.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute.
La soviétisation des droits pénaux occidentaux
Par Polémia | 30 août 2024 | Société
Dans ses livres, Le Théâtre de Satan ou Droit, conscience et sentiments, et dans ses articles publiés par Polémia, le juriste Éric Delcroix n’est pas seul à déplorer la dérive juridique européenne camouflée en « État de droit ». Docteur en philosophie, polyglotte, diplomate aux États-Unis et politologue, le Croate Tomislav Sunić aborde lui aussi cette question cruciale dans de nombreux articles et conférences. Il est également l’auteur de plusieurs livres dont certains traduits en français tels Chronique des Temps postmodernes, La Croatie : un pays par défaut ? ou Homo americanus, rejeton de l’ère postmoderne (préface de Kevin B. MacDonald), chroniqué sur notre site. Voici un texte rédigé par ses soins traitant d’un sujet essentiel.
Polémia
Une image miroir du système communiste
L’un des avantages du système judiciaire de l’ancienne Europe communiste était que personne, y compris les apparatchiks des partis, ne croyait à son langage frauduleux. C’est la principale raison pour laquelle le système s’est effondré. Les procédures judiciaires contre les dissidents politiques – officiellement qualifiés d’« éléments hostiles » ou d’« infiltrés fascistes parrainés par l’Occident » – étaient des parodies de simulacres où les procureurs projetaient leur vrai Moi dans leur double Moi imaginaire et embelli, tout en sachant que leur palabre juridique n’était qu’une litanie de mensonges fabriqués de toutes pièces. L’erreur judiciaire communiste est devenue visible peu après l’effondrement du système communiste au début des années 1990, incitant des milliers de juges et de législateurs communistes dans toute l’Europe de l’Est à adopter du jour au lendemain le mimétisme judiciaire libéral nouvellement importé d’Occident.
Bien que l’on utilise des termes différents, le système judiciaire moderne occidental, et particulièrement américain, devient rapidement une image miroir du système communiste. Contrairement aux citoyens méfiants de l’ancienne Europe de l’Est communiste, des millions d’Américains et des milliers d’experts juridiques croient sincèrement que le système judiciaire américain est le meilleur du monde. Mais le fléau actuel des procès et des poursuites aux États-Unis et dans leur territoire, l’UE, prouve le contraire. Un étranger peut davantage comprendre le système judiciaire américain en comparant son jargon juridique à celui de l’ancien système communiste, ou en le traduisant de manière erronée et en l’appliquant au système judiciaire de l’UE.
Anomalie verbale et juridique
À l’instar du système judiciaire communiste et de son arsenal de constructions verbales diabolisantes conçues pour les dissidents politiques, le ministère américain de la Justice a, ainsi que les médias, de plus en plus recours à la criminalisation des dénominations des opposants politiques. « Donnez-moi l’homme et je vous donnerai le dossier contre lui » était une pratique juridique répandue dans les anciens États communistes d’Europe de l’Est. Des accusations fabriquées de manière similaire peuvent désormais être facilement formulées contre des libres penseurs, des écrivains et des lanceurs d’alerte qui critiquent la conduite du gouvernement. Un intrus non armé du Capitole, le 6 janvier 2021, qui crie des slogans pro-Trump et retire de force les barrières de police, ne peut guère s’attendre à être accusé d’un simple délit. Au contraire, sur un coup de tête d’un procureur en chef, toute personne qui défie le système libéral peut se retrouver accusée, en vertu du chapitre 115 du Code des États-Unis, de « s’être livrée à des activités séditieuses et criminelles ».
D’innombrables constructions verbales que la plupart des citoyens américains tiennent pour acquises doivent être examinées de manière critique. Les expressions négatives ou fleuries telles que « discours de haine », « discrimination positive », « diversité », « suprémacisme blanc » et « rassemblements néo-nazis » sont utilisées par les médias et les tribunaux, avec un effort minimum de la part des juristes et des linguistes pour en extraire le sens. Lorsque leur origine, leur étymologie et les distorsions sémantiques qui en découlent sont soigneusement étudiées, des failles dans les codes pénaux américains sont détectées. Le même effort s’applique à la multitude de termes allemands et français émaillant les codes pénaux respectifs de la RFA et de la France, des termes qui sont pratiquement intraduisibles en anglais, ou, lorsqu’ils le sont, résonnent de manière totalement différente dans les procédures judiciaires américaines.
L’expression « discours de haine » est une construction verbale bizarre qui permet de poursuivre un large éventail de manœuvres extrajudiciaires. La liberté d’expression de quelqu’un est toujours le discours de haine de quelqu’un d’autre. Cette expression n’existait même pas dans le glossaire judiciaire il y a un demi-siècle. On peut se demander qui a inventé cette expression et l’a introduite dans le droit en premier lieu. Sa signification abstraite permet aux juges ou aux jurys de la définir comme ils l’entendent.
L’une des caractéristiques principales du légalisme totalitaire communiste était l’utilisation d’expressions abstraites et liquides qui fournissaient au procureur une myriade d’accusations potentielles lors des audiences. Mais le terme même de « légalisme totalitaire » est une contradiction dans les termes, étant donné que la juridification en cours de la politique dans l’UE et aux États-Unis a déjà conduit à un légalisme excessif, c’est-à-dire à une guerre juridique, qui n’est qu’un premier pas vers la mise en place de systèmes totalitaires. On pourrait illustrer encore davantage les anomalies juridiques qui en découlent en examinant l’expression tant vantée et universellement acceptée des « droits de l’homme », en oubliant que les droits de l’homme sont compris différemment par les différentes parties ; différemment, par exemple, par un Palestinien à Gaza et par un colon juif en Cisjordanie. C’est au nom de principes des droits de l’homme à consonance romantique, écrivait il y a longtemps le juriste Carl Schmitt, que les crimes les plus sauvages sont commis contre une entité ou un peuple déclarés hors de l’humanité. Une fois déclarés hors de l’humanité, une entité politique en guerre et ses civils ne sont plus des êtres humains ; les droits de l’homme ne s’appliquent plus à eux. La volonté d’imposer des droits de l’homme universels et une démocratie mondiale a été parfaitement observée lors des bombardements aériens des villes allemandes par les Alliés occidentaux pendant la Seconde Guerre mondiale.
Une autre expression largement utilisée, rarement examinée de manière critique, est l’« affirmative action » imposée par le gouvernement fédéral. Outre son contenu, bien connu de la plupart des employeurs, cette expression met en évidence un langage soviétique générique. Il est impossible de la traduire mot pour mot dans d’autres langues européennes, sauf en modifiant grossièrement son sens. Lorsqu’elle est traduite en allemand ou en français, elle génère une appellation hybride impropre telle que « discrimination positive » (positive Diskriminierung). On doit se poser une question légitime : s’il existe une chose telle que la « discrimination positive », existe-t-il également une « discrimination négative » ? L’expression « discrimination positive » est à la fois une anomalie lexicale, conceptuelle et juridique que la plupart des professionnels du droit aux États-Unis et dans l’UE considèrent cependant comme une figure de style acceptable.
La mal-pensance criminalisée
Les termes « fascistes » ou « nazis », autrefois utilisés sans cesse dans le code pénal soviétique pour condamner les dissidents, font désormais partie d’un vocabulaire diabolisant similaire, en particulier dans le système judiciaire de l’UE. Le national-socialisme ou le fascisme ne représentent plus d’affiliations historiques et politiques spécifiques, ayant été transformés en symboles du Mal absolu et ultime.
Le code pénal allemand comporte une multitude d’expressions criminalisantes similaires, qui défient souvent les règles grammaticales et morphologiques. Le nom composé relativement nouveau de Volksverhetzung, qui figure en bonne place dans l’article 130 du code pénal allemand, a été maladroitement traduit en anglais par « incitement to hatred » (« incitation à la haine »), bien que l’original allemand ait une portée beaucoup plus large lorsqu’il est utilisé dans les actes d’accusation. Ce terme à sens multiples représente un cas d’anomalie linguistique semblable aux formulations du système judiciaire soviétique. Les citoyens allemands l’appellent péjorativement « Gummiparagraph » (paragraphe en caoutchouc, ou clause élastique) car son interprétation si large peut envoyer en prison toute personne posant des questions politiquement incorrectes, de quelqu’un qui fait une blague sur un migrant somalien illégal à une personne qui soulève des questions critiques sur l’Holocauste ou l’État d’Israël. Même un avocat américain parfaitement versé dans la langue allemande aurait du mal à déconstruire le sens de ce terme allemand lorsqu’il défendrait son client devant un tribunal allemand.
Contrairement au dogme libéral sur la prétendue indépendance de la justice, c’est toujours la classe dirigeante qui fait et défait les lois ; jamais les lois ne font la classe dirigeante. Le mythe libéral répandu selon lequel la Cour suprême agit comme l’arbitre indépendant ultime pendant un état d’urgence n’a jamais fonctionné dans la pratique. Le penseur romain Juvénal le savait depuis longtemps lorsqu’il posait la question intemporelle : « Mais qui gardera les gardiens ? »Tomislav Sunić